Aujourd’hui, l’association DADA a voulu se pencher sur l’exposition Le Marché de l’art sous l’occupation 1940-1944, qui se tient en ce moment même et jusqu’au 3 novembre dans le Mémorial de la Shoah à Paris.
L’exposition propose de revenir dans un Paris occupé afin de mieux saisir la complexité de cette période obscure sous bien des aspects. Au détour des allées de l’exposition, on découvre des devantures de galeries parisiennes qui nous immergent dans un autre temps, un temps où Paris était la capitale du marché de l’art, mais aussi un temps où une galerie pouvait se voir fermer à cause de la confession religieuse de son propriétaire. Si la reconstitution des vitrines de ces galeries parisiennes attise notre curiosité en nous laissant apercevoir la richesse de leur collection disparue, certaines, recouvertes de peinture blanche, nous laissent imaginer l’atmosphère froide de la capitale et l’omniprésence de l’occupation. Au fil du parcours, le visiteur est amené à retracer l’histoire de quelques galeries parisiennes historiques qui faisaient autrefois la notoriété de la capitale en matière de marché de l’art. En effet, on peut redécouvrir la galerie de Paul Rosenberg au mythique 21 rue de la Boétie. Célèbre pour avoir noué des relations avec de grands artistes comme Pablo Picasso, dont il était un ami très proche. Paul Rosenberg représente cette France spoliée par l’occupant allemand. L’exposition nous plonge également dans l’atmosphère de l'hôtel des ventes parisien : l'hôtel Drouot. Les murs rouges reproduisant le capitonné en velours servant à la mise en valeur des collections prêtes à la vente nous donne un aperçu des enchères qui pouvaient s’y dérouler. Les documents d’époque tels que les registres des ventes permettent de se rendre compte au mieux de l’importance de la spoliation des œuvres d’art durant cette sombre période.
L’entreprise des dirigeants nazis fantasmant un musée de le « culture arienne » où toutes les œuvres d’art du monde pan-germanique y seraient glorifiées ne donnait aucune limite aux exactions de l’occupant. L’ERR, Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, c’est-à-dire l’organisme allemand en charge du vol organisé et systématique des œuvres dans tous les pays occupés par les nazis, se permet de piller et vider littéralement certaines des plus prestigieuses des collections privées et publiques françaises, comme le rapporte Emmanuelle Polack dans son ouvrage Le Marché de l’art sous l’occupation 1940-1944. E. Polack a en effet accompagné la réalisation de cette exposition. La dernière salle de cette dernière nous montre comment la chercheuse tente de faire appliquer ses recherches à des cas concrets et précis de spoliation d’œuvre d’art. L’historienne s’est penchée par exemple sur le cas du « trésor Gurlitt », autrement dit l’entassement de près d’un millier de tableaux, peintures, esquisses, aquarelles des plus grands artistes du XIXe et XXe siècle dans un appartement munichois ayant appartenu à Hildebrand Gurlitt. Ce galeriste autrichien était chargé de trouver les œuvres d’arts qui feraient la renommée du grand musée allemand de Linz, tant convoité par le Führer. Ainsi, le travail minutieux de courageux groupes de chercheurs consiste à revenir sur les traces du passé en collectant les magazines des maisons de vente qui voient passer des œuvres spoliées sous le marteau des commissaires-priseurs du monde entier, mais aussi en étudiant les collections des musées nationaux et en scrutant les rapports et les documents historiques permettant une affiliation avec un nom. C’est grâce à ce travail titanesque que certaines blessures du passé sont pansées bien difficilement.
Pour finir, outre la recommandation évidente de cette exposition passionnante, DADA se permet d’insister sur l’importance de visiter une institution telle que le Mémorial de la Shoah, qui, si elle n’est plus à découvrir, est à redécouvrir.
Bibliographie :
- Hector Feliciano, Le Musée disparu, folio, 2003
- Emmanuelle Polack, Le Marché de l’art sous l’occupation 1940-1944, Tallandier, 2019
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