« Je sculpte en utilisant la lumière et l'ombre. Je construis des objets uniques ou multiples et les place par rapport à une seule source lumineuse. L'œuvre complète est donc composée à la fois du matériau et de l'immatériel »
Kumi Yamashita, une artiste japonaise peu connue vivant à New York, mérite sa place au panthéon des artistes du XXIe siècle. Aujourd'hui elle se distingue de la production artistique contemporaine grâce à sa personnalité raffinée et l'audace d'un travail rigoureux.
En écrivant cet article, je déclare solennellement, et en toute subjectivité, ma flamme, pour celle qui est à mes yeux la plus grande poétesse de l'art.
Quel tendre cœur ne fondrait pas devant ces figures et visages idéalisés, sensuels mais désincarnés ? L'extravagance des matériaux utilisés est sa marque de fabrique ; entre clous, fils, ou autres procédés technique singuliers, la palette de ses talents semble infinie.
Mais le génie de Yamashita s’incarne surtout dans l’immatériel. En effet, se retrouver devant une œuvre de Yamashita, c'est modifier son analyse primitive afin de voir l'au-delà, ne pas s'arrêter à la forme plastique et ainsi repenser l'étude principale de l’œuvre : son sujet. Ce dernier n'est pas palpable ; il est incarné malgré lui. Des visages et des corps se dessinent, par leur propre force.
Malgré l’étendue de sa technique, l'ombre est son principal matériau, dont elle possède la maîtrise absolue à la manière d'un jeu théâtral chinois.
Et c'est sans aucun doute que notre coup de cœur se porte sur sa plus belle œuvre : l'Origami. Il s'agit d'une œuvre réalisée avec une multitude de petits morceaux de papier carrés, froissés, de sorte que la tranche fasse apparaître une ombre de visage de profil. Nous ne pouvons qu'admirer la parfaite précision et le réalisme époustouflant qui émane de ses œuvres ; des fantômes semblent vouloir s’échapper du papier. Déclinée en plusieurs versions selon les lieux d'expositions (Musée des arts décoratifs de Paris en2016 par exemple), elle représente à elle-même une symbolique aussi forte que tous ces visages présents. Ce que l'artiste veut matérialiser à travers ce procédé aussi ingénieux que fragile et éphémère, c'est la grande diversité des figures : hommes, femmes, jeunes, âgées, occidentales, orientales... L'image humaine est englobée dans toute sa diversité, pourtant, ce qu'il en ressort, c'est l'unité. L'unité de ces portraits, qui malgré des froissements et des couleurs différentes, sont tous issus d'un même bout de papier et dont l'existence ne tient qu'à un souffle.Yamashita nous transmet une belle leçon d'humanité, ainsi l'art n'est pas seulement envisagé comme esthétique et technique, mais également comme engagé.
Aurélie Prudor
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