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Francis Bacon, un "monstre sacré" au centre Pompidou.

Dernière mise à jour : 16 nov. 2019

          Du 11 septembre au 20 janvier se tient au centre Pompidou l’exceptionnelle exposition « Bacon en toutes lettres », qui met en relation les oeuvres de Francis Bacon avec les grands auteurs qui l’ont inspiré comme Eschyle, Nietzsche, ou encore son ami Michel Leiris. Francis Bacon est un artiste unique du XXème siècle, qui ne ressemble à personne à la fois dans son oeuvre et dans sa vie. C’était un individu pétillant, charismatique, fêtard, qui s’oppose, en apparence, à l’obscurité de ses oeuvres. Il aimait toutefois le sordide, traînait dans les quartiers dangereux de Londres, jouait au Casino de Monaco durant de longues années. Il se déchargeait de ses pensées les plus sombres sur la toile.


La particularité de cette exposition réside dans l’expérience sensorielle intense qu’elle propose. Les oeuvres de Bacon frappent directement notre moelle épinière; le spectateur est saisi d’effroi et d’admiration dès son premier contact avec ces corps torturés; une communication directe s’établit entre l’oeuvre et le spectateur. Le Triptyque mai-juin 1973 m’a particulièrement touché. On y voit sur trois panneaux différents son amant, George Dyer, agonisant dans une salle de bain et vomissant dans le lavabo. Il se suicida à Paris, la veille de la grande rétrospective dédiée à Bacon au Grand Palais en 1971. Nous nous impliquons dans sa souffrance à la vue des contorsions multiples de son corps et de la projection en avant de son âme qui déploie ses ailes. Bacon ne cessait de répéter que la vie n’avait pas de sens et qu’elle n’était que le spasme d’une conscience entre deux vides, comme le symbolisent les deux panneaux qui encadrent la représentation de l’âme de Dyer.



Même si l’obsession de Bacon pour le corps humain s’exprime de manière unique, on peut toutefois dresser un parallèle étonnant avec un artiste antérieur à lui de quatre siècles: Le Tintoret. Bacon ne revendique à aucun moment l’artiste vénitien comme une source d’inspiration, cependant, leurs personnages partagent cette insoutenable pesanteur des corps. En effet, dans Le miracle de l’esclave le corps de Saint Marc qui fond sur l’assemblée de personnages est pesant et sombre. La sensation d’écrasante pesanteur que ressentent ces mêmes personnages à la vue du Saint peut s’apparenter à ce que nous ressentons devant Peinture 1946 de Bacon.






Pour représenter les positions périlleuses de ces corps, qui nous sont invisibles à l’oeil nu, les deux artistes usent de techniques que l’on peut rapprocher. Le Tintoret confectionnait des statuettes en argile ou en cire qu’il recouvrait d’un drap et qu’il suspendait au bout d’un fil sur les poutres de son atelier. Il faisait jouer, à l’aide de lampes, les lumières et les ombres, il tournait autour d’elles pour en étudier notamment la perspective selon des angles inattendus. De la même manière, Bacon utilisait les planches de photographie de Muybridge qui décomposaient le mouvement et permettaient de voir des positions du corps invisibles en temps réel.



Enfin, pour conclure au sujet de l’exposition, on peut se demander comment trouver de la beauté dans des oeuvres aussi violentes et sordides. Je pense que l’accumulation des tableaux permet de saisir ce que nous dit Bacon de l’essence de l’être humain. La beauté résiderait dans sa manière d’exhiber une dimension sous-jacente de l’homme, à savoir sa violence, qui se dérobe à notre oeil nu. Ainsi, Bacon et Le Tintoret partagent la beauté du dévoilement. Le Tintoret dévoile le mystère de la chrétienté tandis que Bacon révèle le sens caché de la réalité quotidienne, en s’attaquant aux corps.


Sara BALDEN.


Sources :


Jean-Philippe Brunet. Tintoret, Bacon, Catastrophes picturales.

Yves Peyré. Francis Bacon ou la mesure de l'excès.


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